A lire dans un murmure...
La Lune d'une éclatante blancheur baigne mon visage d'une pâleur mortelle et fait scintiller les tâches qui viennent consteller le drap blanc qui me recouvre. Tentative désespérée pour empêcher mon âme de quitter le corps qui l'a abrité durant toutes ces années. Désuète de sens, désuète d'utilitée. Un drap arriverait-il à contenir cette immatérielle essence ? Insensé. Quand vient l'heure du chagrin l'homme montre un soucis de la vie qu'il ne sait apprécier que quand celle-ci se fait éphémère.
Je repose, les herbes m'enlacent follement, rejoignant peu à peu ma dernière demeure, dans les racines de la Terre, mon sang se fait goutte de rosée. Les yeux clos je respire lentement, absent, je ne veux pas voir se briser le silence qui m'habite, je poursuis une route déjà tracée.
Autour de moi les gens s'activent, je reste indifférent à toute cette agitation. Une femme se penche observant longuement mon jeune visage que le sang vient tacher. Se voulant rassurante elle me murmure un « Tout ira bien ».
Tout ira bien... Je ricane intérieurement, mais le coeur n'y est pas. A-t-elle seulement conscience du risible de ses paroles ?
Étendu je me laisse porter par les vagues qui déferlent, petite coquille de noix perdue dans le vaste océan, le chagrin m'emporte, pareil aux lames je me brise sur les écueils. Mon corps tremble, j'halète, le crachin se fait larme.
Il y a encore tant de chose que j'aurais voulu dire, tant de chose que j'aurais voulu vivre... mais je ne peux pas, je ne pourrais pas, la nuit arrivera bien avant m'emportant sur ses sombres ailes.
On me transporte jusqu'à l'ambulance. Une infirmière est à mes côtés, elle me tient la main. Toujours cette manière de se raccrocher à la vie...Mon regard se perd vers le plafond, mes pensées se font vide. J'essaie d'oublier. J'essaie de m'oublier.
A quoi bon résister lorsque l'on est plus qu'une poupée de chiffon imbibé de sang, s'efforcer de respirer lorsque chaque souffle réveille la douleur, de se faire violence pour seulement conserver une once de conscience, de s'accrocher désespérément au fil de la vie... A quoi bon si ce n'est par chagrin, par regret ou par amour. Acte illusoire d'un désespéré, acte inévitable, on ne peut s'y refuser.
Les images surviennent, marque inaltérable d'un passé qui m'est amer à présent. Il y a tant de mots retenus, de désirs informulés, de tristes souvenirs qui s'entrechoquent. Tant de peine, tant d'affliction. Je ne puis m'y absoudre...
Mon univers se fait gouffre, je sombre dans le néant.
[...]
Mes doigts se contractent légèrement, je sors peu à peu de mon état d'inconscience, mes paupières s'entrouvrent. J'ai l'impression qu'elle est là, qu'elle sera toujours là, à mes côtés, forme vague, flou. Je ne la distingue pas clairement, elle est auréolé d'une aura blanche, divine apparition. Est ce moi qui divague ? Je ne sais plus.
Un triste sourire se dessine sur ses lèvres, ses yeux sont embués de larmes, son regard est d'une douce mélancolie. Je m'immerge complètement en elle, j'abreuve mes sens de sa présence. Un sentiment de plénitude poussé à son paroxysme me gagne et je retrouve tout ce qui me manque, me voilà un.
Je goutte à l'infini.
Mais ce ressentis fut de courte durée, dans une faille le doute s'est insinué perturbant l'équilibre ainsi créé. L'écho ne s'est jamais fait entendre, il n'a jamais rien su. Elle ne peut être ici, en cet instant.
Étrange état d'absence dans l'absence.
Le masque du faux semblant brisé, mes yeux ne sont plus voilés et je retrouve mes sens. Il est des douleurs qui ne pleurent qu'à l'intérieur.
Les battements de mon coeur ralentissent. Ma respiration se fait plus lente. Lentement ma tête bascule sur le côté. Seigneur que mes paupières sont lourdes. Les sirènes se font lointaines, si lointaines...
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-Jean. Jean !
Mon nom me rappelle à la réalité.
-Et bien mon garçon, on rêvasse pendant mon cours ?